L’émergence économique et ses caractéristiques essentielles
6,1 %. C’est la moyenne annuelle de croissance du PIB chinois entre 2000 et 2019, un chiffre qui n’a rien d’anodin dans l’histoire économique récente. Les marchés émergents n’attendent pas leur tour : ils avancent, parfois à contre-courant, bousculant les certitudes, réinventant les règles du jeu mondial.
Derrière ces chiffres spectaculaires, se cachent aussi des défis coriaces. Obtenir des financements sur les marchés internationaux reste loin d’être garanti, même pour ceux qui affichent une influence commerciale de plus en plus évidente. Les capitaux circulent, filent d’un bout à l’autre de la planète, mais leur volatilité laisse ces économies vulnérables à des crises aussi soudaines qu’impronostiquées par la théorie classique.
Au sein de ces pays, l’industrialisation galopante avance en bousculant les traditions et en révélant des inégalités criantes. Institutions et cadres juridiques évoluent à une vitesse fulgurante, et les modèles passés ne suffisent plus à expliquer ce qui se joue : on assiste à la naissance de nouvelles histoires nationales, loin des lignes droites du développement d’hier.
Plan de l'article
Comprendre l’émergence économique : définitions et évolutions récentes
Quand on parle d’émergence économique, il ne s’agit pas seulement de statistiques ou de croissance brute. Il s’agit de cette bascule où des sociétés, jadis marginalisées, prennent soudain place au cœur des échanges internationaux. Ce basculement échappe aux formules toutes faites : il s’incarne dans l’ascension fulgurante de la Chine, la dynamique soutenue de l’Inde, la montée en puissance du Brésil ou le repositionnement de la Russie. Autant d’exemples, autant de chemins, loin d’une question de seuil ou de rang dans les classements du PIB.
Le terme pays émergents n’est pas figé. Si aujourd’hui, les BRICS sont devenus un repère, Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud,, on n’oublie pas les fameux NPI (Nouveaux pays industrialisés) ni ces “dragons asiatiques” devenus autarciques : Hong Kong, Singapour, Corée du Sud ou Taïwan ont bouleversé les classements dès les années 70, au point d’imposer l’idée même de “miracle asiatique”.
Trois traits émergent nettement dans la plupart de ces trajectoires : une croissance économique forte, la progression du niveau de vie, l’intégration soutenue dans les chaînes de valeur mondiales. Mais ces avancées s’accompagnent toujours de remises en cause sociales et de frictions inédites avec les pays développés. Les économies émergentes évoluent sur une ligne de crête, jouant à la fois l’espoir du rattrapage et la gestion au quotidien de contraintes structurelles.
Quels sont les moteurs et défis spécifiques des pays émergents aujourd’hui ?
La dynamique de ces marchés émergents trouve son souffle dans des populations en transformation rapide, une classe moyenne qui s’élargit à vue d’œil, et des industries en mutation perpétuelle. L’expansion industrielle va de pair avec la formation de nouvelles compétences, l’essor des marchés financiers et la multiplication de projets attractifs pour les capitaux internationaux. Mais rien n’avance sans tension : des stratégies de réformes ambitieuses alternent avec des ajustements dictés tantôt par la contrainte interne, tantôt par la pression des partenaires extérieurs.
À chaque progrès correspondent des zones d’incertitude. La réduction de la pauvreté ne gomme pas les inégalités sociales, il n’est pas rare, au contraire, que celles-ci s’accentuent à mesure que la prospérité croît dans certains secteurs. Les investissements étrangers, facteur de dynamisme, exposent aussi ces économies à une volatilité financière accrue et à l’influence des cycles mondiaux. L’engagement dans le rattrapage technologique accélère l’innovation, mais peut entraîner de véritables essoufflements lorsqu’un palier de développement intermédiaire, le fameux middle-income trap, vient freiner l’élan initial.
Dans la plupart de ces pays en développement, une force silencieuse travaille en profondeur : la transition démographique. Une population jeune dopant la consommation et la production, mais imposant des défis sur tous les fronts, accès à l’éducation, emploi, protection sociale. Préserver la dynamique du développement économique suppose de renforcer les institutions et de piloter avec précision la gestion des soubresauts sociaux, sous la pression d’une concurrence internationale qui ne cesse de s’intensifier.
Opportunités et enjeux mondiaux : pourquoi l’émergence redéfinit la carte économique
Le visage du pouvoir économique se métamorphose lentement d’un schéma à un autre : la multipolarité est devenue un fait. Les économies émergentes, BRICS, mais aussi E7, CIVETS et Next Eleven, réclament leur place lors des grandes négociations et pèsent de plus en plus lourd dans des forums comme le G20. La redistribution des cartes dans le commerce et la finance mondiale s’accélère, la puissance économique se diffuse et bouleverse des équilibres ancrés parfois depuis des décennies.
Dans les faits, ces pays émergents investissent massivement dans la modernisation de leurs infrastructures, placent l’innovation et l’éducation au centre de leurs stratégies, et favorisent l’émergence de nouveaux pôles régionaux de croissance, en Asie, Amérique Latine ou Afrique. On assiste à la naissance de réseaux de coopération régionale et de nouveaux champions globaux, sur fond de compétition grandissante et de recherche de nouveaux modèles.
Pour bien mesurer l’ampleur de cette évolution, voici deux tendances majeures qui dessinent aujourd’hui le nouveau paysage :
- La part des économies émergentes dans le PIB mondial a doublé en l’espace d’une vingtaine d’années, bouleversant la hiérarchie planétaire de la richesse produite.
- Leur implication croissante dans la gouvernance économique transforme petit à petit le fonctionnement des institutions financières internationales, redistribuant rôles et leviers stratégiques.
Une vague de changements institutionnels gagne ainsi en vigueur. La mondialisation ne se limite plus à la délocalisation ou au commerce globalisé ; elle se joue désormais aussi dans l’innovation locale, l’invention de solutions hybrides et une capacité à négocier de nouveaux compromis sociaux autour de modèles économiques renouvelés. Les règles de la coopération internationale deviennent plus complexes alors que se multiplient les acteurs, les intérêts et les arbitrages collectifs.
Le club des économies émergentes s’agrandit et oblige chacun à regarder au-delà des anciens repères. Cette mutation, profonde, chaotique parfois, annonce une ère qui n’a pas fini de surprendre et de redistribuer les cartes. Reste à imaginer ce que sera le visage du prochain bouleversement.
